S-3.4, r. 2 - Orientations du ministre de la Sécurité publique en matière de sécurité incendie

Texte complet
1. La réforme de la sécurité incendie
1.1. Rappel des problèmes et des enjeux de la sécurité incendie
Les enjeux soulevés par le bilan de l’incendie et par l’état des moyens déployés au Québec afin de prévenir ou de faire face à ce phénomène ont été abondamment décrits dans l’énoncé d’orientations ministérielles qui, au mois de juin 1999, annonçait l’intention du gouvernement de procéder à une réforme majeure du secteur de la sécurité incendie. Pour la plupart, ces enjeux reflétaient le résultat de recherches, d’expérimentations et de consultations menées, particulièrement depuis 1995, par le ministère de la Sécurité publique, avec le concours des acteurs dans ce domaine.
Les problèmes auxquels le nouveau cadre législatif entend apporter les premiers éléments de solution ont par ailleurs fait l’objet de nombreux exposés et échanges, tant au cours des mois qui ont précédé l’étude de la Loi sur la sécurité incendie que dans la foulée de son adoption. Dûment documentée et largement débattue, l’appréciation de la situation de la sécurité incendie ne demande donc pas, dans le présent propos, d’être longuement détaillée. Qu’il suffise simplement de rappeler, à grands traits, les défis auxquels les autorités municipales sont conviées:
— Même s’il affiche un taux d’incendie et un taux de mortalité attribuable à l’incendie qui se comparent avantageusement aux performances de la plupart des administrations nord-américaines, le Québec déplore des pertes matérielles qui demeurent beaucoup plus élevées que dans la majorité des autres provinces canadiennes. Ces pertes se répercutent dans des coûts sociaux et économiques importants.
— Il existe au Québec une importante disparité entre les municipalités sur le plan de l’organisation de la sécurité incendie. Reflétant jusqu’à un certain point la fragmentation et le cloisonnement qui caractérisent les administrations municipales dans leur ensemble, cette disparité a, dans le domaine de la sécurité incendie, pour effet de priver de nombreux citoyens d’un niveau de protection que les progrès effectués au cours des dernières décennies dans divers domaines (prévention, tactiques d’intervention, communications d’urgence, etc.) permettraient pourtant d’atteindre.
— De manière générale, les administrations municipales connaissent mal leurs responsabilités en matière de sécurité incendie. Peu sensibilisées aux bénéfices de la prévention, elles en ignorent les principales méthodes et pratiques, au chapitre de la réglementation notamment. Incidemment, les pompiers sont mal préparés pour accomplir les tâches qui leur sont confiées, que ce soit en termes de formation, d’entraînement et d’encadrement ou d’équipements.
— Ce phénomène s’accompagne d’une situation générale de sous-financement de ce secteur d’activité, ce qui empêche plusieurs municipalités de faire face à des obligations élémentaires et de plus en plus criantes en matière de formation de la main-d’oeuvre et de renouvellement des équipements et des véhicules d’intervention.
— Compte tenu de cette situation, les perspectives de développement de plusieurs organisations municipales en sécurité incendie apparaissent limitées, dans un contexte où, pourtant, d’intéressants défis s’offrent à elles, comme la participation à la mise en place d’un nouveau système de sécurité civile ou le développement de services de premiers répondants.
— Les problèmes susmentionnés présentent des répercussions insoupçonnées, mais non moins néfastes pour la société québécoise: d’abord sur le coût des primes d’assurance de dommages assumées par les consommateurs, qui serait le plus élevé au Canada en raison du bilan des pertes matérielles attribuables à l’incendie et des déficiences de notre organisation pour y faire face; ensuite sur la responsabilité civile des municipalités, celles-ci faisant l’objet de poursuites de plus en plus nombreuses devant les tribunaux à la suite d’interventions de leurs services de secours.
1.2. Les objectifs proposés dans Feu vert à une réforme de la sécurité incendie au Québec (juin 1999)
Il n’est pas présomptueux d’affirmer, par ailleurs, que les principaux objectifs proposés par le gouvernement du Québec dans l’énoncé d’orientations du mois de juin 1999 ont également suscité l’adhésion de l’ensemble des intervenants dans le domaine de la sécurité incendie. Ces objectifs consistent à:
— réduire de façon significative, dans l’ensemble des régions du Québec, les pertes humaines et matérielles attribuables à l’incendie;
— accroître l’efficacité des organisations publiques responsables de la sécurité incendie par:
— l’optimisation des ressources humaines, matérielles, financières et informationnelles;
— l’amélioration des compétences des différents acteurs (pompiers, gestionnaires de brigades, élus et officiers municipaux);
— l’adoption d’approches préventives;
— la redéfinition du rôle du gouvernement du Québec.
Découlant de l’atteinte de ces 2 premiers objectifs, un troisième consiste à favoriser la diminution des coûts assumés par les consommateurs québécois sous forme de primes d’assurance de dommages causés par l’incendie.
Quelques objectifs plus opérationnels ont par ailleurs été formulés de manière à favoriser, dans le temps, la mesure de l’évolution de la situation. Leur libellé permet, entre autres, une comparaison avec les performances de l’ensemble canadien et de la province voisine, l’Ontario. Ces objectifs sont les suivants:
— l’atteinte graduelle, sur 5 ans à compter de la mise en oeuvre de la réforme, d’un taux de pertes matérielles équivalant au taux canadien moyen et, sur 10 ans, d’un taux comparable à celui de l’Ontario;
— l’adoption d’un processus spécifique de planification de la sécurité incendie par les municipalités;
— l’atteinte, à l’intérieur des 5 prochaines années, d’un niveau de qualification des effectifs de sécurité incendie compatible avec les objectifs de protection contre l’incendie déterminés pour chaque milieu;
— la mise en place de structures de coordination, de financement et d’encadrement de la sécurité incendie.
1.3. Le nouveau cadre juridique de la sécurité incendie
Du simple citoyen jusqu’au gouvernement du Québec, en passant par les générateurs de risques, les pompiers, les municipalités et les assureurs de dommages, la Loi sur la sécurité incendie définit pour chacun son niveau de responsabilité par rapport à l’incendie. Elle précise les actions que chacun doit prendre afin de contribuer à l’amélioration de la situation à ce chapitre.
En ce qui concerne le milieu municipal, l’un des principes à la base de la Loi sur la sécurité incendie consiste à confier la responsabilité de chacune des fonctions associées à la sécurité incendie (planification, prévention, intervention, etc.) au palier administratif ou opérationnel le plus apte à l’assumer, dans un double souci d’améliorer la protection des citoyens et de leurs biens contre l’incendie et d’accroître l’efficience dans la gestion des services publics.
S’il ne fait aucun doute que la gestion quotidienne des ressources directement affectées au combat contre l’incendie doit demeurer le plus près possible du théâtre des interventions, il ressort tout aussi nettement que le niveau de protection des citoyens peut être sensiblement amélioré par une approche systématique de gestion des risques, par une vision stratégique des orientations à privilégier et des mesures à prendre – en misant davantage sur la prévention, par exemple, – et par la considération de l’ensemble des ressources disponibles dans une région donnée. D’où l’idée d’un exercice commun de planification de la sécurité incendie à l’échelle de plusieurs municipalités regroupées sous une entité régionale.
Cet exercice doit faire reposer les décisions des municipalités en matière de sécurité incendie, non plus strictement sur des considérations financières ou limitées aux seules capacités locales pour affronter certaines situations, mais sur l’état des risques présents sur leur territoire et sur le niveau de ressources accessibles, sur le plan régional, pour y faire face. Son objet premier doit donc être la réduction des pertes humaines et matérielles attribuables à l’incendie.
Dans ce contexte, les municipalités locales demeurent les maîtres d’oeuvre de la gestion des ressources consacrées à la sécurité incendie sur leur territoire, de l’organisation des secours et de la prestation des services qu’elles souhaitent donner à leurs citoyens. Elles pourront donc, conformément aux objectifs de la planification régionale, conclure entre elles des ententes de regroupement ou de mise en commun de certaines ressources.
Le processus régional de planification trouve son aboutissement dans l’adoption d’un schéma de couverture de risques. À la fois instrument de gestion des risques et de prise de décision pour les élus municipaux et outil de planification des secours pour les responsables des opérations, le schéma prévoit les diverses modalités de l’organisation de la sécurité incendie sur le territoire. Il est élaboré par la municipalité régionale de comté (MRC) ou toute autre instance assimilée à une MRC au terme de la loi, en collaboration avec les administrations locales. Les actions requises pour atteindre les objectifs arrêtés au schéma sont pour leur part définies au niveau local, dans un plan de mise en oeuvre devant être intégré au document régional.
C’est aux articles 10 et 11 de la Loi que l’on retrouve les différents éléments que doit contenir le schéma de couverture de risques. Ces éléments sont:
— le recensement, l’évaluation et le classement des risques, y compris, le cas échéant, les risques soumis à déclaration en vertu de l’article 5 de la Loi;
— le recensement et l’évaluation des mesures de protection existantes ou projetées;
— le recensement et l’évaluation des ressources humaines, matérielles et financières affectées à la sécurité incendie par les autorités municipales;
— les infrastructures et les sources d’approvisionnement en eau utiles pour la sécurité incendie;
— une analyse des relations fonctionnelles existant entre ces ressources;
— une évaluation des procédures opérationnelles en vigueur dans les services municipaux de sécurité incendie;
— pour chaque catégorie de risques inventoriés ou chaque partie du territoire définie au schéma, des objectifs de protection optimale contre les incendies;
— les actions que devront prendre les municipalités pour atteindre ces objectifs;
— les plans de mise en oeuvre des municipalités concernées;
— une procédure de vérification périodique de l’efficacité des actions mises en oeuvre et du degré d’atteinte des objectifs arrêtés;
— des éléments similaires pour d’autres risques de sinistre susceptibles de nécessiter l’utilisation des mêmes ressources.
Les articles 12 et suivants établissent quant à eux la procédure d’élaboration et d’adoption du schéma de couverture de risques par l’autorité régionale et des plans de mise en oeuvre par les autorités locales. Cette procédure est illustrée à la figure 1.
Au-delà de la maîtrise des prescriptions législatives encadrant le contenu et le processus d’établissement des schémas de couverture de risques, il faut surtout être conscient de la nature à la fois stratégique et prospective de cet exercice de planification. Les municipalités porteront donc une attention particulière à la mise en place des conditions qui faciliteront la réalisation de la démarche et qui en favoriseront la réussite. Le processus de planification de la sécurité incendie doit notamment pouvoir prendre appui sur:
— la participation entière et continue de toutes les autorités concernées, que ce soit sur le plan politique, administratif ou opérationnel;
— une coordination éclairée et dynamique;
— l’accès à une expertise multidisciplinaire et à des ressources professionnelles compétentes.
Figure 1 Les étapes de réalisation du schéma de couverture de risques

Publication des orientations ministérielles en sécurité incendie
à la Gazette officielle du Québec (art. 138).

[Au plus tard dans les 18 mois (art. 176)]

Le ministre de la Sécurité publique
donne avis à l’autorité régionale (art. 12).


Les autorités locales transmettent à l’autorité Les autorités locales transmettent à l’autorité
régionale des déclarations de risques (art. 5). régionale les informations nécessaires à
l’élaboration du schéma (art. 13).


[Dans les 30 jours de la réception [Dans le délai prescrit par
de la déclaration (art. 5)] l’autorité régionale (art. 13)]



L’autorité régionale propose des objectifs
de protection optimale et des stratégies (art. 14).


Les municipalités locales donnent leur avis
sur les propositions de l’autorité régionale (art. 15).



L’autorité régionale arrête
Chaque autorité concernée élabore des objectifs de protection optimale
un plan de mise en oeuvre (art. 16). et détermine les actions attendues (art. 15).


L’autorité régionale intègre les plans de mise en oeuvre
au projet de schéma (art. 17).


Le projet de schéma est soumis à la consultation de la
population et des autorités régionales limitrophes (art. 18).

L’autorité régionale et les autorités concernées apportent,
le cas échéant, des modifications au projet de schéma
et aux plans de mise en oeuvre (art. 19).

L’autorité régionale soumet au ministre
son projet de schéma (art. 20).
Décision, a. 1.